Une navette de type Challenger, ainsi que la fusée qui doit la porter jusqu'aux étoiles sont longues à construire, longues à programmer, longues à remplir. Mais le temps, nous ne l'avons plus.
Un accord fut passé dans tous les pays : "Faites ce que vous avez à faire, faites vos listes de passagers, le départ sera donné le 18 mai à 00h00." Les dirigeants, les hommes d'affaires importants, les scientifiques réputés, tous eurent une place dans les navettes, mais pes les autres.
D'ailleurs, quand les listes furent publiées, cela nous fit beaucoup rire. Environ cinq cent personnes partiraient, la moyenne d'âge serait de 45 ans, et il n'y aurait que deux femmes, une de 64 ans, l'autre de 52 ans. Pas très efficasse pour fonder une nouvelle civilisation.
C'est à ce moment là que nous comprîmes que même les gens "haut-placés" n'avaient plus d'espoir. Et c'est là que nous décidâmes qu'il fallait que nous fassions quelque chose. Pas dans le but de nous sauver, ça, nous savions que c'était imposssible, mais simplement dans le but de faire quelque chose.
Quand la nouvelle fut sûre, une panique terrible envahit la grande majorité de la population mondiale, et comme on pouvait s'y attendre, les super-marchés, les magasins de bricolage, les banques, les bijouteries, les magasins de vêtements et autres commerces furent pillés jusqu'à la dernière planche. Les gens se barricadèrent chez eux et n'en sortirent plus. Certains construirent même des abris anti-atomiques en bois dans leur jardin. L'essence fut réquisitionnée par l'armée et le monde s'arrêta, au sens propre du terme.
Quelques jeunes prirent possession de grands magasins, s'amusèrent à brûler bibliothèques et musées, mais pour la grande majorité, ils se cloitrèrent chez eux avec leur famille.
Des gens décidèrent de s'exiler. Quand les derniers journalistes interrogèrent un couple de personne d'âge moyen qui partait avec seulement une valise, ils dirent que s'il fallait mourir, autant que ce soit au bord de la mer. Mais tous n'ont pas cette clarté d'esprit. Nous vîmes des familles partir avec valises pleines à craquer, meubles, animaux de compagnie, nourriture. Ils fuyaient comme s'ils pouvaient échapper au destin qui était le notre, mais cette fois-ci, aucune guerre, aucune armistice, aucun accord possible. C'est la fin du monde, la fin d'une humanité depuis trop longtemps décadente. Personne n'y réchappera, et les fusées n'y changeront rien.
Partez dirigeants, partez hommes d'affaires, partez scientifiques, vous mourrez tout autant que nous, mais nous, nous mourrons dignement.
En cette soirée du 18 mais 2007, la fin approche rapidement. Nous pouvons distinguer l'ombre de Vénus dans la nuit noire. Les navettes décollent presque simultanément, et bientôt, nous serons seul.
Nous sommes là, nous marchons dans les rues. Nous sommes une dizaine. Quand la nouvelle fût sûre, ceux qui vivaient dans d'autres villes revinrent ici, afin que nous soyions tous ensemble, une dernière fois. Nous rions, nous chantons, parce qu'il ne sert à rien de pleurer. Mourir oui, mais l'esprit libre. Nos regrets sont oubliés, nos erreurs sont pardonnées.
Nous décidons de quitter la ville pour retrouver la campagne, l'odeur des pins et le bruit des criquets sont bien plus agréables que les cris et les pleurs.
Un bus abandonné, les clés encore sur le contact. Etonnant qu'il n'ait pas été brûlé comme la plupart des véhicules. L'un d'entre nous se met au volant, et après quelques essais infructueux, il arrive enfin à le faire avancer. Adieu chère ville qui a porté les pas de nos enfances, nous ne te reverrons jamais.
Personne sur l'autoroute, les barrières sont relevées. Nous roulons jusqu'à qu'il n'y ait plus d'essence dans le moteur, puis nous descendons, traversons les clotures. Nous nous retrouvons en pleine campagne, il est maintenant deux heures.
Nous nous endormons là, sous ces arbres. Nous sommes ensemble et nous sommes bien. Peut-être que nous verrons le jour se lever demain, et nous serons heureux d'avoir un léger sursis. Si nous ne nous réveillons pas, ce n'est pas grave, ça n'a plus vraiment d'importance à présent.
FIN