Apocadès

En l'an de disgrâce 2735, quoique l'humanité maîtrise alors la mécano, nano et bio-modification, elle n'a pas su se défendre contre une sorte de fléau qui s'est abattu sur la planète bleue. Des monstres issus des pires cauchemards ont surgi en grand nombre, dévastant, décimant et détruisant tout ce qui avait été érigé par elle. En moins de deux ans, les édifices n'étaient plus que ruines et les populations plus que des groupes épars de survivants... Tout est la faute à cette secte d'écologistes qui ont à l'époque volé les travaux scientifiques sur le développement du potentiel d'intelligence...


Première Mission

Parmi les survivants de la Station Max Henriot, une ancienne gare de métro souterraine délabrée, l'on pouvait trouver Gabriel, dit Gabi, un jeune Templier enthousiaste et encore un peu naïf, armé d'une épée à deux mains en aluminacier assez massive. L'on pouvait aussi croiser Lex, un hybride Templier/Erudit dont la bravoure est fragile mais réfléchie, portant une épée bâtarde en aluminacier et un bouclier en polyphunxphène. L'on pouvait également tomber sur Farell, un Elémentaliste taciturne et inconséquent, spécialisé dans les attaques de givre. L'on pouvait enfin apercevoir Landmark, un Tireur Franc consciencieux et obéissant, ne se séparant jamais de son fusil sniper.

Le jour de l'assignation de leur première sortie par le Capitaine Braxis pour de la post reconnaissance, les quatre hommes, que bien des aspects séparaient, dûrent improviser en équipe soudée dans leur progression à la surface.

Les tunnels des rames de métro, d'abord, lugubres et silencieux, suivits des étroits passages de sécurité et d'évacuation, tout aussi sales et sombres, laissèrent enfin place à de l'air libre, quoique chargé. Ce fût, depuis près de quatre ans qu'ils vivaient en dessous, leur première retrouvaille avec le ciel, les bâtiments et la lumière du jour.

Mais le ciel n'était plus dégagé depuis fort longtemps, les édifices et les chaussées de la ville n'étaient plus désormais que déconstructions à moitié éventrées et la lueur du soleil était terne à n'en laisser pousser que des touffes de mauvaises herbes.

Cette morne, triste et tourmentée atmosphère saisit Lex d'une anxiété croissante qui devint bien vite une indicible épouvante.

Après deux heures de pénible progression dans les décombres urbains à suivre les indications d'Emilius, le relais infocom de Lex par nano-transmission, les quatre Disciples de Premier Ordre atteignirent leur destination. Il s'agissait d'une sorte de parking à demi souterrain quelque part dans cette métropôle dévastée.

Lex transpirait du peu de confiance que lui inspirait encore l'ambiance désolée du dehors. Farell s'en amusait et le faisait sursauter par des bruits secs et claquants qu'il provoquait avec ses bottes. Ces bruits attirèrent l'attention de la mutitude de créatures qui se trouvaient plus loin entre les piliers du parking, leur interdisant une approche discrète et le suivi du conseil qui leur avait été donné d'éviter les affrontements avec "la Vermine", comme on l'appelait, si ils venaient à en rencontrer.

C'est alors que de ce lieu, qui devait en toute espérance avoir été préalablement nettoyé par des équipes de combat, surgit une foule de petites entités croisées de la poule enragée et du vélociraptor miniature affamé. Lex s'était tenu assez à l'arrière du groupe, mais Landmark maintenait sa position pour mieux évaluer la nuée vociférante tandis que Gabriel et Farell engagaient déjà le combat.

Le Tireur Franc aperçut soudain une bête beaucoup plus colossale qui s'approchait, hybride tenant du pingouin obèse géant, aux pattes antérieures et postérieures du Tyrannosaurus Rex, pourvu d'écailles de lézard en guise de pelage et avec, pour couronner le tout, une tête rappelant vaguement celle de la tortue. Ce monstre fonça droit sur le sniper qui eut le temps de tirer à deux reprises avant de faire volte face pour rejoindre Lex qui commençait à détaler.

Le jeune Templier, dont les jambes avaient été griffées et mordues légèrement à trois reprises, eut été rapidement submergé par la masse grouillante d'hystérie sauvage si les boules de givre lancées par Farell ne fesaient pas reculer de terreur les petites abominations carnivores. Et tandis que l'Elémentaliste, qui avait compris qu'il ne lui était d'aucune utilité de les pulvériser, tenait ces horreurs à bonne distance en faisant exploser ses boules de givre juste devant leurs vagues incessantes, Gabriel se rua au secours des deux autres compagnons.

Ces derniers avaient évité de peu d'être broyés sous la masse de la grande créature qui les avait rattrapés, bien que Landmark, dans un élan téméraire, après s'être vivement retourné pour ficher une troisième balle dans le buste du monstre, se soit retrouvé à plat ventre sur le béton relativement lisse du sol avec le tiers du corps sous le mastodonte qui avait finalement chuté.

Tandis que Lex plantait maladroitement son épée dans la tête de cette titanesque bête renversée pour l'achever, Gabriel arriva sur place en sautant sur elle pour lui loger sa lame au niveau de ce qui aurait pu être sa nuque. La créature cessa enfin de râler et de bouger.

Les deux guerriers s'épuisèrent à soulever le gigantesque cadavre et à tirer Lanmarck de dessous lui. De son côté, Farell leur assurait la tranquillité de leur entreprise en éloignant les innombrables acharnés carnassiers.

Mais sitôt que le Tireur Franc fut relevé, des échos de raffales lointaines retentirent dans les avenues démolies. Des explosions de grenades aussi. Quelques secondes plus tard, le Capitaine Braxis et deux autres Tireurs Francs fort bien équipés apparurent entre les piliers du parking pour les aider, car Lex avait eu le bon réflexe de transmettre à Emilius la précarité de leur situation et de demander des renforts. Par chance, il y avait ces trois-là qui rôdaient non loin de leur position.

Il ne fallu que quelques minutes et quelques chargeurs et grenades supplémentaires pour permettre aux trio d'éradiquer le reste des monstres présents dans la zone. Après quoi ils purent enfin se reposer sur les lieux même de leur victoire relative en se posant mille questions sur les créatures qui avaient pu regagner ce secteur en creusant des tunnels assez larges dont ils découvrirent les sorties plus avant.

Pour le moment, la mission de nos quatre nouveaux baroudeurs s'achevait et ils rentrèrent hâtivement et sans encombres à la Station Max Henriot. Ils n'attendaient pas de remerciements ni de récompenses, car c'était la moindre des choses pour des survivants d'accomplir ce genre de tâches pour que perdure l'humanité.

Seconde Mission

Le lendemain de leur première sortie à la surface, trois de nos quatres membres de la Ligue Humaine, puisqu'il manquait Farell qui devait partir sur d'autres missions avec sa section d'Elémentalistes, cherchèrent à renouveller l'expérience. Maintenant qu'ils avaient goûté au risque et à l'honneur d'aller se battre dehors, ils exultaient à l'idée de repartir, de trouver de nouveaux équipements, d'améliorer leurs modifications respectives et de rencontrer d'autres survivants.

Le Capitaine Braxis leur assigna une tâche bien moins glorieuse, mais nécessaire d'un point de vue de sécurité: aller acceuillir non loin de la station un convoit de matériel mené par des membres de la Ligue Humaine d'une autre base de survivants et qui s'arrêteraient quelques temps à Max Henriot pour se reposer.

Le trio parti donc aussitôt. Au terme de presque cinq heures de marche dans un dédale de tunnels de rame de métro, dans lequel ils étaient guidés par Emilius via la nano-transmission de Lex, ils atteingnirent l'issue des souterrains qui donnait sur la vaste ville dévastée.

Bientôt, le convoit apparu et nos baroudeurs l'escortèrent, ou plus exactement se contentèrent de le guider jusqu'à la Station Max Henriot.

Parmi les soldats qui accompagnaient ce convoit, il y avait quelques marchands, propriétaires du matériel transporté sans doute. Tous avaient l'intention de reprendre leur route dans quelques jours pour alimenter en équipement une autre station de survivants. Dans les esprits des trois nouveaux aventuriers, le rêve de quitter Max Henriot pour explorer le monde devint plus ferme que jamais. Il leur fallait des missions plus longues et dangereuses pour accomplir ce souhait!

Troisième Mission

Le lendemain leur fut de bonne augure. Pour ce qui est de Lex et de Landmark du moins, puisque Gabi demeurait à s'entraîner pour gagner en responsabilité dans ses entreprises guerrières. Le Capitaine Braxis, en effet, sollicita les deux adultes en tant que volontaires pour assurer une mission de reconnaissance. Il leur expliqua qu'il s'agissait de se rendre dans un sous-sol d'immeuble pour voir s'il se trouvait encore là quelque matériel qui pourrait être utile à la survie des résistants humains. Ce qu'ils acceptèrent immédiatement, bien entendu. Il leur serait fourni un plan partiel des locaux, trouvé dans les documents informatiques privés d'un récent défunt membre de la Ligue Humaine, lequel aurait été jadis propriétaire des lieux convoités et dont le testament indiquait que tout ce qui s'y trouverait encore d'utilisable reviendrait de droit aux survivants de la Station Max Henriot.

Deux véhicules d'une base de survivants voisins vinrent donc les chercher, dans la même matinée. En quatre heures de voyage à travers les ruines de la gigantesque métropôle, parfois poursuivis par des hordes de petits monstres véloces et vociférants qu'ils distançaient sans peine, ils parvinrent à la Base Baltoris, une zone de survivants humains en plein milieu d'un ancien centre commercial et touristique, ou quelque chose de ce genre, situé dans les étages souterrains d'un ensemble de grattes-ciel aux sommets déchirés. Cette base de résistants étant la plus proche de leur destination finale, ils devraient y faire halte pour y recevoir d'autres instructions plus précises et de l'équipement d'appoint si nécessaire. Là, ils firent la rencontre de leur équipier obligé, Guybrass, un Tireur Franc de Baltoris, Disciple de Premier Ordre, comme eux. Après s'être fait doter d'un scanner d'analyse de poing et d'un appareil GPS configuré sur les plans de leur lieu de mission, ils quittèrent la Base Baltoris en emboîtant le pas à Guybrass et à son imposant fusil mitrailleur.

Evoluant tantôt dans des complexes d'immeubles anéantis, tantôt sur des passerelles métalliques joingnant les immeubles par dessus les rues et les avenues de la ville, ils atteingnirent le gratte-ciel concerné. Guybrass les menant prudamment le long des couloirs et des cages d'escaliers résonnant de l'échos des courants d'air, ils gagnèrent lentement les niveaux inférieurs. Avançant au rythme que leur inspiraient de nombreux bruits dans les conduits d'aération et à travers les parois de béton, ainsi qu'au rythme du balayage de leurs lampes torches, ils arrivèrent enfin au plus profond des sous-sols, où des ossements côtoyaient les chocs mystérieux et peu engageants qu'ils percevaient depuis un bon moment déjà à des fréquences moins marquées jusqu'alors.

Ils firent fi de l'angoisse qui les étreingnait peu à peu et découvrirent bientôt quatre solides portes blindées et verrouillées par de judicieux systèmes. Guybrass, visiblement métallurgiste à ses heures perdues, utilisa un appareillage portatif de soudure pour ouvrir la première porte.

Dans cette première pièce, ils virent plusieurs cadavres d'humains desséchés et grimaçants. Landmark, n'en pouvant plus, figea son regard sur le battant qu'il venait de refermer pour ne pas avoir à supporter cette vision écoeurante. Lex, muni du scanner qui était relié par onde info-com au réseau d'Emilius, son relais par nano-transmission, commença son travail d'observation et de scanning. En fouillant les dépouilles puantes, il décela même un briquet zipo des anciens temps qu'il céda généreusement à Guybrass, lui même fumeur de cigares, et ceci bien évidement sans avoir scanné l'objet, ainsi que des cartes magnétiques qui leur déverrouillèrent la porte suivante.

Dans la seconde pièce, ils s'affairèrent à bien regarder dans les moindres recoins pour que Lex ne manque pas le moindre objet.

Les cartes magnétiques ouvraient aussi la troisième porte, au delà de laquelle ils eurent encore beaucoup de temps à passer pour inventorier, puisque le scanner faisait cet office, tous les matériaux et équipements contenus dans cette nouvelle salle. Lex eut même le loisir de soustraire quelques pièces d'équipement du scanner et de les dissimuler discrètement dans ses poches en pensant en tirer un meilleur prix possible auprès d'un marchand adéquat.

Pour franchir la quatrième et dernière porte, ils durent à nouveau attendre que Guybrass s'active sur elle suffisement longtemps pour la faire céder, d'autant que les bruits qu'ils entendaient depuis leur apparition en ces lieux perduraient et s'intensifiaient. Lorsqu'ils purent entrer, ils découvrirent là un autre cadavre d'humain étalé sur toute une façade circulaire de bon diamètre d'ordinateurs et d'écrans de toutes sortes. Au centre de ce pupitre circulaire s'élevaient de larges tubes dans lesquels bouillait un liquide violacé. Tout autour de cette installation pour le moins étrange se trouvaient quelques caisses qu'il était facile d'ouvrir pour le Tireur Franc de Baltoris. Une fois tout le matériel répertorié, ils se hâtèrent de sortir pour quitter ces sous-sols sordides et inquiétants.

Mais ils se ravisèrent le temps de re-condamner les portes forcées et de reverrouiller les battants qu'ils avaient débloqués à l'aide des cartes magnétiques. Cette entreprise pesa sur leurs nerfs mais elle fut rapidement menée et ils purent se diriger vers la sortie en empruntant le chemin inverse qui les avait conduit ici.

C'est avec un immense soulagement qu'ils virent la lueur crépusculaire du dehors sans avoir été surpris par d'horribles monstruosités qu'ils avaient imaginés jusque là à l'écoute des bruits et des chocs qui les avaient accompagnés tout le long de leur périple souterrain. En pressant le pas, ils regagnèrent la Base Baltoris où Guybrass alla faire seul son rapport à ses supérieurs.

Nos deux comparses furent poliement éconduits vers la Station Max Henriot en s'entendant dire que le matériel décelé là-bas ne vallait pas la peine de risquer la vie d'un escadron pour aller le récupérer. Chose étrange puisque Lex, durant toute l'opération, avait entendu par moments son relais info-com pousser des exclamations de joie et de surprise en lisant les données du scanner. Il fit naturellemnt part de son interrogation à Landmark qui lui aussi, d'instinct, était suspicieux.

Lorsqu'ils rejoignirent leur station, ils n'eurent pas l'occasion d'en rendre compte au Capitaine Braxis car une bonne nuit de sommeil et de récupération les attendait d'abord.